L'apparition de la Sainte Vierge à Boulogne (663)

Chez nous, soyez Reine !

 

 

Une barque sur la mer

 

En cette année 633, sous le règne du “bon roi Dagobert”, une mystérieuse barque s’approche des côtes de France, tout au Nord de notre pays.

A son bord, aucun matelot ; aucune voile non plus, ni aucune rame pour la faire avancer. Mais, paisiblement poussée par les flots, elle se rapproche sans aucun doute du petit port de Boulogne... Une lumière étrange brille sur cette petite embarcation, ce qui fait accourir quelques marins, tout étonnés de ce prodige.

Pendant ce temps, dans une chapelle sur la hauteur, des fidèles en train de prier reçoivent une visite de la Sainte Vierge : elle les avertit que des anges, par un ordre secret de la Providence, ont conduit dans leur petit port de Boulogne une barque où l’on trouverait son image.

Et elle ajoute qu’il faut aller la chercher pour la placer dans cette chapelle qu’elle a choisie afin d’y être honorée pour toujours.

Aussitôt, la foule toute joyeuse se précipite sur le port où la barque vient en effet d’accoster. A son bord se trouve, c’est bien vrai, une très belle image, une sculpture plutôt, en bois, grandeur nature, de la Sainte Vierge portant sur son bras gauche l’Enfant Jésus.

 

Notre Dame de Boulogne

 

Avec grande joie et émotion, on porte donc solennellement cette belle statue dans la petite église, mais on ne saura jamais d’où elle venait… ni comment elle est venue !

Et les pèlerinages commencent. Aux alentours, puis de plus en plus loin, on entend parler de cette statue qui est arrivée si mystérieusement à Boulogne, où il se passe tant de choses extraordinaires maintenant !

En effet, la Sainte Vierge est si touchée de la confiance et de l’amour des pèlerins qu’elle obtient pour eux un grand nombre de grâces, de conversions, de guérisons, de miracles de toutes sortes. C’est ainsi que, dès cette époque, les gens viennent de toute la France et même de Belgique et d’Allemagne... (et pourtant à ce moment-là, au VIIème siècle, c’était un très grand voyage, toute une aventure !) Dans le plus lointain Moyen Âge, Notre Dame de Boulogne fut en effet l’un des plus célèbres pèlerinages de la chrétienté.

Et, pour ceux qui vraiment ne pouvaient pas venir jusqu’à Boulogne, on construisit même quelques siècles plus tard une église tout près de Paris dédiée à Notre Dame de Boulogne ; une ville grandit autour qui fait partie maintenant de l’agglomération parisienne (Boulogne-Billancourt).

Saint Eloi, le ministre du “bon roi Dagobert”, vint en pèlerinage à Boulogne, ainsi que beaucoup d’autres grands personnages, Godefroy de Bouillon par exemple.

Vous savez qu’il était parti en croisade pour reconquérir Jérusalem tombée aux mains des infidèles. Il se battit avec ardeur et réussit à reprendre la Ville Sainte le 14 Juillet 1099. Devenu ainsi roi de Jérusalem, on lui offrit une magnifique couronne d’or. Mais il refusa de la porter là où Jésus avait été couronné d’épines et il l’envoya à... Notre Dame de Boulogne !

Saint Louis, bien sûr, vint aussi prier Notre Dame de Boulogne, et de nombreux rois avant et après lui.

La Vierge Marie suzeraine des rois de France

Il y a un autre roi de France qui aimait beaucoup aussi la Sainte Vierge (il portait même une médaille d’elle sur son chapeau !), c’est Louis XI, le fils de Charles VII.

Il sentait bien, depuis longtemps, que la Sainte Vierge le protégeait particulièrement depuis le début de son règne, qu’elle l’avait fait triompher de tous ses ennemis intérieurs et extérieurs, et il voulait l’en remercier, lui montrer à quel point il avait confiance en elle.

Vous savez qu’à cette époque, au Moyen-Âge, les chevaliers étaient très bien organisés pour se défendre et pour se protéger les uns les autres : chaque seigneur avait au-dessus de lui un suzerain, dont il était le vassal.

Eh bien, le roi Louis XI, voulant manifester à la Sainte Vierge sa reconnaissance pour tout ce qu’elle avait fait pour lui, vint un jour à Boulogne et, solennellement, se mettant au pied de la statue miraculeuse, déclara que désormais la Vierge Marie serait suzeraine des rois de France. Lui-même, pour commencer, se reconnaissait son humble vassal...

Peu de temps avant, Jeanne d’Arc avait déclaré, d’accord avec le roi Charles VII, que le roi de France est le “lieutenant du Roi des Cieux”.

Quelques années plus tard donc, c’est Louis XI, cette fois, qui tient à rendre à la Vierge Marie - suzeraine des rois de France, donc Reine de France - l’hommage féodal. Il le fait à Hesdin, près de Boulogne, en avril 1478, par un “édit”, c’est-à-dire un acte juridique tout à fait officiel ; ce n’est pas une déclaration “à la légère” !

Louis XI fait donc solennellement la Vierge Marie Suzeraine des rois de France, qui devront désormais lui offrir, à chaque nouvel avènement (pour bien montrer qu’ils la reconnaissent comme suzeraine) un cœur en or symbolisant le cœur du souverain et de ses sujets.

Et la Sainte Vierge, touchée sans doute de cette vénération toute chevaleresque du roi de France, l’aidera à assurer rapidement le redressement du pays après tous les désastres de la guerre de Cent ans.

“Notre Dame” !

Si vous regardez bien les portails de pierre richement sculptés de nos magnifiques cathédrales, vous verrez que la Sainte Vierge y est souvent représentée avec une couronne, symbole de la royauté.

Il est important de savoir pourquoi, depuis des temps si anciens, la Sainte Vierge était considérée comme Reine de France.

 

C’est que, depuis le lointain Moyen-Age, dans notre pays, la Sainte Vierge, comme elle le souhaite sûrement, n’est pas seulement la mère de Jésus, et la mère de tous les hommes, ou l’Immaculée Conception, mais elle est aussi vraiment notre Reine.

Elle est la Dame de tous les chevaliers du royaume, et d’abord du roi, qui l’a fait écrire dans un décret, mais elle l’est aussi de tous les paysans, les artisans, les seigneurs et les pauvres gens, c’est pourquoi en France nous l’appelons du beau nom de “Notre Dame”.

Bien des seigneurs ont mis son nom dans leur cri de ralliement : “Notre Dame-Guesclin !” (pour le fier connétable Bertrand du Guesclin), “Notre Dame-Bourbon !” (pour les ducs de Bourbon),.. et les scouts d’aujourd’hui ne crient-ils pas encore : “Notre Dame-Montjoie !” ?

Sur tous, elle étend, comme une vraie reine, c’est-à-dire comme une maman portant le souci de tous ceux qui lui sont confiés, sa maternelle protection. C’est pourquoi tous veulent lui rendre hommage et l’honorer avec amour.

Le Vœu de Louis XIII

Un peu moins de deux siècles après l’édit d’Hesdin faisant Notre Dame de Boulogne suzeraine des rois de France, un autre roi, Louis XIII, va donner à cet hommage de tout le peuple un développement encore plus digne de la Reine du Ciel.

En 1630, une jeune bénédictine de Morlaix, en Bretagne, devant toute sa communauté en prière, reçoit de la Vierge Marie la mission de demander au roi de France qu’il lui consacre son pays (il y a même encore aux archives du Ministère des Affaires Étrangères des documents à ce sujet).

Cette demande de la Sainte Vierge répond à un désir très profond du roi Louis XIII qui, peu de temps après, “dans le secret de son cœur”, consacre sa personne et son royaume à la Vierge Marie.

Mais Louis XIII n’a pas eu à attendre bien longtemps pour rendre officielle cette consécration. En effet, une grande grâce est venue l’encourager à le faire : après 23 ans de mariage, la reine Anne d’Autriche son épouse, se trouve enfin enceinte et donne le jour, quelques mois plus tard, au futur roi Louis XIV, “le Roi Soleil”, qui reçoit au baptême les noms de Louis-Dieudonné, car ses parents, avec raison, le considérèrent comme donné par Dieu, un cadeau du Ciel...

Mais Louis XIII n’attendit pas la naissance de son fils pour publier l’édit officiel de la Consécration de la France et de la famille royale à la Sainte Vierge.

Le 10 février 1638, à Saint Germain en Laye, il déclarait prendre la très Sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de son royaume, son État, sa couronne et ses sujets, afin qu’elle inspire à tous une sainte conduite.

Il ajoutait qu’il voulait, comme signe de cette consécration, faire construire un nouvel autel pour la Cathédrale Notre Dame de Paris, où on le verrait, lui, le roi, représenté aux pieds de Jésus et de sa Mère, leur offrant sa couronne et son sceptre.

Une grande procession

Enfin, il terminait ce décret si important qui est très connu de tous maintenant, et qu’on appelle le “voeu de Louis XIII”, par l’ordre de faire chaque année une grande procession pour la fête de l’Assomption, le 15 août.

Il demandait que dans tout le royaume, dans toutes les églises et monastères de toutes les villes, bourgs et villages, on fasse une belle et solennelle procession le 15 août de chaque année en l’honneur de l’Assomption de Notre Dame.

Et le 15 août suivant, à Abbeville, en Picardie, Louis XIII, pendant la messe, dédia à nouveau son royaume à la Sainte Vierge “la suppliant humblement de prendre ses États et sa personne sous sa puissante protection”.

Peut-être certains d’entre vous habitent-ils une “rue de la Procession” ?

Dans beaucoup de villes ou villages, il y a encore une rue qui porte ce nom ; c’est, vous l’avez deviné, la rue par où passait la procession voulue par le roi le 15 août.

Cette rue était généralement à la limite de la ville, ou en faisait le tour, car on voulait que la Sainte Vierge prenne visiblement possession de tout son territoire.

On lui faisait faire, en quelque sorte, le...“tour du propriétaire” en l’honorant par les plus beaux décors et les plus beaux chants et en pavoisant tout sur son passage, comme on le fait encore maintenant pour des rois ou des reines... de la terre !

Mais il ne faut pas parler de ces processions au passé : elles existent encore, heureusement, dans un certain nombre de paroisses, et d’autres commencent à les remettre en honneur.

Royaume de France, Royaume de Marie

 

Louis XIII veilla à ce que le Parlement enregistrât bien l’édit, comme un acte solennel de son autorité souveraine. C’est pourquoi ce décret met la fête de l’Assomption au rang de fête nationale, et demeure une loi française, toujours valide...

Cette donation de la France à la Vierge Marie a été faite très solennellement, et il n’est au pouvoir de personne de la supprimer. C’est pourquoi la France demeurera toujours, qu’on le veuille ou non, le Royaume spécial de la Vierge Marie. Quel réconfort encore pour nous maintenant !

Les rois de France, les uns après les autres, ont renouvelé le “vœu de Louis XIII”, et le Pape Saint Pie X lui-même a déclaré Notre Dame de l’Assomption patronne principale de la France.

C’est donc un lien très profond qui unit, depuis les temps les plus anciens, la Vierge Marie au peuple de France dans le sillage de ses rois.

Dans la France entière, que d’amour pour sa Reine : voyez le blanc manteau de cathédrales, d’églises et de chapelles dédiées à Notre Dame qui couvre tout notre pays !

Et que d’amour surtout de la Reine du Ciel pour nous ! Il n’y a pas un peuple qu’elle ait autant visité ; souvenez-vous : le Laus, la rue du Bac, la Salette, Lourdes , Pontmain, Pellevoisin,.l'Ile-Bouchard…

Dans ce monde qui aujourd’hui renie son histoire, unissons nos cœurs à ceux des chevaliers, des rois, des reines, des paysans, des bergères et des enfants de tous les siècles et, confiants dans l’amour si tendre de Notre Dame, Reine de France, n’ayons pas peur de chanter de tout notre cœur et à pleine voix :

 

 “Chez nous, soyez Reine

Nous sommes à vous,

Régnez en Souveraine,

 

Chez nous, chez nous !”